Souriez, vous êtes protégés

Une nuit, trois-quatre ans en arrière. Un pont sur la Loire qu'on évitera de situer avec précision mais qui est quelque part entre Gien et Tours. Une rue qui descend vers la Loire et des poubelles qui s'envolent une à une comme des quilles. Les libérateurs des boîtes à ordures qui apparaissent, chancelant sur leurs appuis, un peu heureux de vivre et beaucoup dopés à l'éthanol ! Un couple, pas caucasien, lui plutôt typé de l'autre côté de la méditerranée, elle plus sombre, des Antilles ou d'au-delà du Sahara... Qu'importe, mais 4 voitures arrivent très vite, elles sont blanches et forment un cercle autour des deux fauteurs de troubles, pourfendeurs de poubelles. Les portières claques et en sortent des hommes et des femmes en bleu, plutôt habillés par une municipalité que par le ministère de l'intérieur. Le type un peu typé rigole en les voyant, oscillant d'avant en arrière. Tout dangereux qu'il est, il se prend une jolie giroflée à 5 pétales sur la joue droite et termine sa soirée à mordiller le pavé avec un argousin sur le dos qui lui fait des nœuds avec les bras.... Elle, pour ne pas perdre son oreille droite, se retrouve à suivre l'un des défenseurs de la loi et de l'ordre qui l'entraîne redresser les poubelles outragées !

C'est du vu, c'est du vécu... Je ne sais pas pourquoi ce souvenir revient maintenant, enfin plutôt , si je sais... Il y a comme un sentiment de dérive sécuritaire dans l'air. Ça ne sent pas encore mauvais mais quand des élèves d'un collège se retrouvent traités comme des Escobars, quand un journaliste est interpellé sans ménagements, quand des « marginaux » présumés saboteurs bénéficient du déploiement massif de l'arsenal anti-terroriste, quand on installe des souricières devant les écoles pour attraper de dangereux gamins sans-papiers.... Les exemples s'accumulent pour montrer qu'on est pas très loin de l'installation insidieuse d'un l'état d'exception sous couvert de sécurité publique !!! Jouer avec les peurs du citoyen, lui montrer que sa protection passe par la méfiance vis-à-vis de l'autre, angoisser l'opinion pour montrer que la réponse est à la hauteur de ses peurs et que la répression est la seule solution, amener progessivement à l'obéissance sans questionnement ni critique !

Relisez ou lisez Matin Brun de Franck Pavloff, ça coûte un euros et ça commence par l'acceptation passive de la suppression des chiens qui ne sont pas bruns......